Patience et longueur de temps

Patience et longueur de temps. Font plus que force ni que rage.

Ceci s'applique parfaitement à la mise en place de la cohabitation. Suite à la remarque d'Emilie concernant certaines méthodes "par le stress" dont il est question dans les articles de la HRS que nous avons traduits, j'aimerais bien expliquer à nouveau pourquoi, comme Emilie, je ne suis pas favorable à ces méthodes. Je l'ai déjà expliqué à maintes reprises mais je me rends compte que mes explications ne sont souvent pas comprises.

Je ne dis pas que je considère ces méthodes comme de la maltraitance, je dis juste qu'étant donné que ces méthodes stressantes sont de mon point de vue inutiles, je ne vais ni les employer, ni les conseiller.

Pourquoi utiliser le stress lorsqu'on peut obtenir le même résultat sans stress ? La seule réponse possible semble être : Gagner du temps.

On peut me retourner la question : Pourquoi faire en 10 jours ce qu'on peut faire en 20 minutes ? Ma réponse sera toujours : Eviter le stress.

Bref, le serpent se mord la queue. Temps ou stress, chacun choisit sa méthode.

Qu'est ce qu'une méthode "par le stress" ?

La méthode la plus connue est la méthode de la cage de transport. Il s'agit de prendre deux lapins qu'on souhaite faire cohabiter, de les placer dans une cage de transport et de partir faire un tour ( le plus souvent en voiture). 

L'objectif étant d'obtenir par le stress du voyage un rapprochement entre les 2 lapins. C'est une méthode de conditionnement qui peut fonctionner en une séance sur certains lapins et en plusieurs sur d'autres.

Qu'est ce qu'une méthode "sans stress" ?

En fait, il ne s'agit pas d'une méthode type, puisqu'il s'agit d'adapter la méthode aux lapins qui doivent cohabiter et de tenir compte de leurs personnalités, de leurs histoires, de leurs traumatismes, de leurs attentes, etc.

Globalement, on  traverse tout de même les mêmes étapes : 

- rencontres à travers des grilles

- rencontres sans grille en territoire neutre

- rencontres sans grille sur le territoire définitif

C'est là que la notion de "patience et longueur de temps" prend toute son importance. En cas de coup de foudre, la cohabitation est réglé en 1 seconde. En cas d'indifférence ou de méfiance, ça peut prendre quelques jours ou même quelques semaines. En cas d'agressivité, ça peut prendre des semaines voire des mois et là encore il existe un risque que ça ne fonctionne jamais.

On module le rythme, l'espace en fonction des réactions des lapins. On observe les déclics et on s'y adapte.

A quels types de lapins est-ce adapté ?

La méthode avec stress ne peut pas être utilisée sur des lapins chez lesquels le stress peut avoir des conséquences graves : 

- lapins malades

- lapins ayant déjà subi un stress (abandon récent, intervention chirurgicale, régime...)

Elle est inutile chez les lapins qui se débrouillent très bien par eux-mêmes : 

- "victimes" d'un coup de foudre

- lapins intéressés mais un peu timides ou méfiants

- lapins cherchant juste à établir la hiérarchie sans agressivité inutile

Reste donc le cas des lapins qui ne s'entendent vraiment pas, n'ont aucune attirance l'un pour l'autre voire semblent se détester. Cette méthode est-elle utile pour eux ? Il me semble plus intéressant de se demander si ces lapins sont vraiment faits pour s'entendre. 

Est-ce qu'il n'y aurait pas une erreur de "casting" ?

- deux mâles

- deux lapines non stérilisées 

- deux lapins à problème

- deux ados en pleine crise

Si ce n'est pas un problème de casting, il s'agit peut être d'une réelle incompatibilité d'humeur ou d'un problème externe : environnement inadapté, stress des humains etc.

Il est plus intéressant de régler le problème à la base que de les "forcer" à cohabiter rapidement.

Pourquoi choisir le temps plutôt que le stress ?

Les lapins sont des animaux sensibles au comportement complexe mais très codifié. Si on les laisse gérer leurs problèmes eux-mêmes et qu'on leur apporte un peu d'aide et de soutien, ils s'en sortent très bien ! Bien évidemment ça peut prendre du temps mais voir la relation évoluer et s'enrichir jour après jour est une récompense pour vous comme pour les lapins.

Il s'agit de faire un pas chaque jour vers l'autre et de s'attacher à l'autre en douceur. Certains sont plus doués que d'autres pour communiquer. Certains disposent de tous les outils nécessaires pour mettre en place la relation calmement. D'autres sont perdus, ils ont besoins d'observer et de s'apprivoiser.

Vous avez certainement en tête la rencontre du Petit Prince et du Renard, c'est l'expérience que les lapins doivent vivre. En voici un court extrait :

"On ne connaît que les choses que l'on apprivoise, dit le renard. Les hommes n'ont plus le temps de rien connaître. Ils achètent des choses toutes faites chez les marchands. Mais comme il n'existe point de marchands d'amis, les hommes n'ont plus d'amis. Si tu veux un ami, apprivoise-moi !

- Que faut-il faire ? dit le petit prince.

- Il faut être très patient, répondit le renard. Tu t'assoiras d'abord un peu loin de moi, comme ça, dans l'herbe. Je te regarderai du coin de l'oeil et tu ne diras rien. Le langage est source de malentendus. Mais, chaque jour, tu pourras t'asseoir un peu plus près..."

C'est ma conception de la cohabitation : on ne construit une vraie relation qu'à partir d'un bon apprivoisement mutuel.

Tout comme on "force" les plantes pour qu'elles fleurissent lorsqu'on le souhaite, on peut forcer des lapins à cohabiter lorsqu'on le souhaite et comme on le souhaite. Les lapins ont une grande capacité d'adaptation s'ils n'ont aucune porte de sortie. C'est pourquoi des lapins qui ne cohabiteraient pas s'ils avaient la possibilité de choisir, peuvent cohabiter. C'est cette capacité qui est utilisée dans les méthodes "avec stress".

Imaginez que vous êtes coincé 24 h avec un inconnu dans un ascenseur. Si vous savez que cette situation va s'éterniser vous allez sympathiser avec l'inconnu alors que dans n'importe quelle autre situation vous ne l'auriez pas abordé. Instinctivement, vous savez que vous avez intérêt à être solidaires au moins le temps de votre captivité. C'est ce qui se passe lorsque deux lapins sont mis en situation de stress. Est-ce une bonne base pour construire une relation ? Personnellement, je préfère me faire des amis sans rester coincée dans l'ascenseur. Je préfère m'asseoir en face d'eux et les apprivoiser jour après jour.

C'est pourquoi, je laisse mes lapins s'apprivoiser jour après jour. Ils ont la possibilité de choisir si l'autre lapin va devenir un véritable compagnon, un pote ou un simple colocataire. A eux de se tester, de s'estimer et d'établir la meilleure relation possible.

En outre, lorsque des lapins sont destinés à vivre ensemble en liberté avec des humains la cohabitation n'est pas seulement une "affaire entre deux lapins", tous les habitants de la maison sont partie prenante, tous peuvent influer positivement ou négativement sur la relation. Tous doivent s'apprivoiser. La cohabitation entre lapins et celle entre humains et lapins sont intimement liées. Une réussite globale exige que les humains s'y impliquent autrement qu'en infligeant du stress. Plus on donne de liberté aux lapins, plus ils s'épanouissent. Ceci s'applique également à la cohabitation.